La maladie du sommeil

La maladie du sommeil est vraisemblablement aussi vieille que l’humanité mais on la signale pour la première fois en 1374 à l’occasion de la mort du Sultan du Mali décédé après une longue maladie se terminant dans un état de sommeil continu. Les marchands d’esclaves comprennent déjà les conséquences de cette maladie : tous les esclaves présentant de gros ganglions à la base du cou sont écartés. Il faut attendre encore 350 ans (en l’an 1724) pour que la première description de la maladie soit faite ; mais c’est en 1901 que le parasite responsable de la maladie est identifié. Cette année là Forde voit des " vermicules mobiles " dans le sang d'un capitaine de bateau faisant du trafic fluvial depuis 6 ans en Gambie. Dutton, en 1902, examine le sang du patient et identifie un trypanosome qu'il décrit sous le nom de Trypanosoma gambiense.

Dans les 10 ans qui suivent, les découvertes vont s’enchaîner.

En 1903, en Gambie, la présence des trypanosomes dans le sang humain est confirmée, mais tout le monde pense alors que ce parasite est très peu pathogène et qu'il n'a aucun rapport avec la maladie du sommeil. La même année on découvre, en Ouganda, des trypanosomes dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) de malades sommeilleux. Pour les chercheurs de l’époque, c’est lui le responsable de la maladie du sommeil. Ils en concluent alors qu’il existe en fait deux trypanosomes distincts : un dans le sang, peu pathogène, et un autre dans le LCR et le système nerveux central qui est le vrai responsable de la maladie du sommeil. Mais d’autres chercheurs constatent que les trypanosomes sanguicoles ne sont présents que dans les zones où sévit la maladie du sommeil : comme ils sont en tout point identiques à ceux du système nerveux, ils en concluent que le trypanosome se trouvant dans le sang constitue le premier stade de la maladie du sommeil.

Sachant que cette maladie évolue en 2 périodes et que le trypanosome en est l’agent pathogène, il reste alors à découvrir comment il se transmet. C’est chose faite en 1903. Bruce, suspectant les glossines d’être les vecteurs de la maladie, en fournit la preuve expérimentale en transmettant des trypanosomes à des animaux par l’intermédiaire de glossines sauvages nourries sur des sommeilleux.

En 1908, en Afrique de l'est, on rapporte, des cas de maladie du sommeil remarquables par leur sévérité et leur courte durée d’évolution vers la mort. En 1912 il est démontré que le trypanosome responsable de cette forme aiguë diffère de T. gambiense. Du fait de son origine géographique, l'agent pathogène de cette nouvelle forme de maladie du sommeil est appelé Trypanosoma rhodesiense.

 

La thérapeutique de la maladie du sommeil

 

La thérapeutique de la maladie du sommeil a évolué au cours des ans et son histoire peut se diviser en deux périodes :

1) une période de traitement symptomatique à base de plantes, de produits vésicants et d'opération chirurgicale.

2) une période de chimiothérapie qui commence vers 1900 avec la mise au point progressive d'une assez grande variété de trypanocides et l'établissement de schémas de traitement qui ont permirent de faire reculer l'affection en abaissant l'indice de contamination nouvelle moyenne.

 

A. Traitement symptomatique depuis les origines jusqu'en 1900

Winterbottom fit en 1803 une description de la maladie. Il la nomma "Lethargus'' et nota la présence de glandes développées sue le cou. En fait il décrivit un symptôme fort bien connu des marchands d'esclaves qui refusaient d'acheter les sujets porteurs de ganglions.

Jusqu'en 1900, le traitement repose sur cette constatation et se pratique de deux manières : chirurgicale et médicale.

Traitement "chirurgical"

Dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest tels que le Sénégal, le Soudan, la Haute Côte d'Ivoire, des guérisseurs extirpaient les ganglions du cou. Cette ablation grossière (évidemment dans des conditions d'hygiène déplorables) consistait à extraire les ganglions, au niveau du triangle de Winterbottom, par une fente dans le cou ou dans la joue, voire sur la nuque. Les Sérères, les Diola de Basse Casamance, les Bambara, les Dioula connaissaient bien cette intervention.

Traitement "médical"

La plupart des groupes ethniques africains ne pratiquaient pas l'ablation des ganglions. Même ceux qui connaissaient cette technique, avant d'y arriver, avaient recours à un traitement "médical" par voie externe ou interne : préparations végétales prises en boissons, bains, massage, instillation.

Les Agnis (du sud de la Côte d'Ivoire) en particulier, employaient un certain nombre de recettes qui, d'après eux, feraient fondre les ganglions. La durée du traitement varie de 7 à 10 jours. Le manuscrit "Les Missions du Pharmacien Colonel Lafitte à propos de la Pharmacopée indigène en A.O.F." rapporte quelques "recettes".

1) une décoction d'un mélange de racines (Egonigne, Sician, Kpaglan) peut être employée en fumigations ou bien le mélange dos écorces est broyé et utilisé en massages.
2) aux écorces des trois espèces précédentes, on ajoute des graines de Sindian. Celles-ci sont écrasées et la pâte obtenue est utilisée en massages.
3) on peut appliquer une pâte faite de racines de Dodo après avoir pratiqué des incisions et des ventouses.
Le traitement est pratiqué jusqu'à la disparition des ganglions.

Les guérisseurs dioula de la région de Ferkessédougou (Côte d'Ivoire) commençaient par frotter les ganglions avec les feuilles vésicantes de Ficus exasperata Vahl (appelé encore figuier papier de verre) puis ils faisaient disparaître les ganglions grâce à l'action caustique du latex d'Euphorbia unispina.

Dans la région de Kong (Côte d'Ivoire) on appliquait un traitement consistant en l'absorption de boissons et en bains de vapeur utilisant la décoction de racines et de feuilles du mélange de plantes suivant :

Afzelia africana Smith ou "lingué" (Caesalpinées)
Tamarindus indica L.
Ficus capensis
Les Guérés utilisaient un mélange de feuilles de Cola caricifolia K-Schum (Sterculiacées) et de Nicotiana rustica. Le mode de préparation était le suivant : faire sécher les feuilles de Cola à l'ombre dans la case, piler ensuite avec le tabac à friser et introduire dans les narines à longueur de journée. Il est aussi recommandé d'ajouter des feuilles de Cola au riz destiné à l'alimentation. Le traitement dure un mois.

Les Krou, à la frontière libérienne, pratiquaient des instillations oculaires du suc des feuilles d'une Tubiacés : Virecta procumbens Bemek.

Les tribus de la région frontalière du Ghana utilisaient un décocté aqueux de racines et de feuilles d'une Zingibéracée appelée Aframomum melegueta K-Schum ou poivre maniguette. Le décocté était employé en boissons et en instillations nasales.

Chez les Bambara, on utilisait aussi les graines d'Aframomum melegueta mélangées avec du sel de Téoudenit ou sel noir. On frottait l'intérieur de la bouche à la hauteur des ganglions qui devaient disparaître au bout de quelques jours.

Les Tagouana de la région de Katiola (Côte d'Ivoire) utilisaient un décocté aqueux de Cleiostopholis patens Engl. et Diels. (Anonacées) employé en boissons, frictions et lavements. Ils employaient aussi l'écorce de racines de Glyphaea lateriflora Hutch et Dalz (Tiliacées) additionnée de sel et de maniguette.

Les Diola de Basse Casamance avant le traitement "chirurgical", tentaient d'abord l'action d'un purgatif drastique et par voie externe des applications in situ d'un emplâtre constitué à parties égales de racines, rameaux et feuilles de Ritchiea fragrans accompagné de massage avec une pâte d'écorces de Trichilia prieuriana (Méliacées).

Tous les traitements pratiqués par les guérisseurs de l'Afrique occidentale utilisaient des plantes douées d'activités drastiques et vésicantes. Cette thérapeutique apportait un soulagement momentané qui effaçait provisoirement les manifestations extérieures de la maladie. La guérison n'était certainement pas garantie.

 

B. Chimiothérapie

Peu de parasitoses ont motivé, autant que la trypanosomiase, un aussi grand nombre de recherches dans tous les domaines de la chimie thérapeutique. Tous les savants chimistes, au premier rang desquels figurent Laveran, Koch, Fourneau, ont été associés à cette glorieuse entreprise civilisatrice dont on mesure l'ampleur et la difficulté.

La première substance utilisée contre des trypanosomes l’a été en 1867 par Livingstone, sur son cheval, alors qu’il était au bord du lac Tanganyika et qu’il devait traverser une zone infestée de glossines. Il s’agissait de la solution de Fowler, de l’arséniate de potassium à 1%.

En 1893, Lingard utilise de l’arsenic acide sur des chevaux atteints par la surra (due à Trypanosoma evansi, du même sous genre que Trypanosoma brucei).

En 1896, Bruce utilise le même produit sur du bétail ayant la Nagana . Cette même année Bruce découvre que la Nagana et la maladie du sommeil sont dues à une espèce de trypanosomes (connue depuis comme étant Trypanosoma brucei )et qu’elles sont transmises par la glossine.

En 1902 Dutton identifie et nomme le trypanosome responsable de la maladie humaine (Trypanosoma brucei gambiense). Cette année là, Laveran propose, comme traitement, l’injection en sous cutanée d’une solution à 0,4% d'arséniate de sodium. Depuis, et malgré des progrès considérables, les arsenicaux ont toujours joué un grand rôle dans le traitement.

A partir de 1905, l’utilisation de l’Atoxyl® (sodium-p-amino-phényl arsonate), connu depuis 1863, pour traiter la THA représente un grand tournant dans le traitement de la THA.

D’autres molécules sont testées entre 1916 et 1920 avec pour principal résultat la découverte du pouvoir trypanocide de la suramine (Moranyl®). En 1918, le glyphénarsine (Tryparsamide®) est mis au point. C’est un dérivé de l’Atoxyl®, plus actif que celui-ci dans les 2èmes périodes mais inefficace sur T. b. rhodesiense. Il présente, malheureusement une toxicité pour le nerf optique ; en 1930, au Cameroun, du fait d’un surdosage, il va être cause de la cécité de 800 personnes.

La recherche est alors relancée pour trouver un traitement alternatif : ce sera le mélarsoprol. En 1940, Friedheim propose le mélarsan (disodium p-melaminyl-phenyl arsonate), extrêmement toxique, puis, en 1944 il décrit une forme trivalente appelée mélarsénoxide dont l’efficacité sur l’homme est démontrée en 1948. L’adjonction de BAL (British Anti Lewisite), dès 1949, diminue sa toxicité d’un facteur proche de 100 alors que son efficacité n’est diminuée que de 2,5. C’est le mélarsoprol ou Mel B.

Parmi les médicaments mis au point, il faut faire une place spéciale à la pentamidine (Lomidine®), car elle a servi, pendant des années à protéger massivement les populations exposées. Toutes les personnes, malades ou non, vivant dans un foyer de la maladie du sommeil, recevaient une injection de Lomidine®. On l'appelle alors la " lomidinisation " que certains anciens considèrent, à tort, comme une vaccination. C’est une chimioprophylaxie. Elle est utilisée pour la première fois à Nola (RCA) en 1946 et mise en place dès 1947 au Congo, en 1950 au Gabon (Mayoumba) ; elle ne sera pas utilisée au Cameroun avant 1952. Actuellement on ne fait plus de " lomidinisation ".

Récemment on a utilisé un médicament, l’alpha-difluoro-méthyl-ornithine (DFMO) conçus pour le traitement de certains cancers.

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